

A ses débuts au PSG, Georges Weah passait son temps sur le banc de touche, prostré, le regard éteint. Son coach, Arthur Georges ne l’estimait pas, le jugeant médiocre. En cours de saison, il est remplacé par Luis Fernandez, un homme chaud et passionné par son sport et ses joueurs. Une discussion commence alors entre le président du club, Michel Denisot et l’entraîneur au sujet de l’attaquant. « Que fait-on de Georges ? » interroge le président qui pense le prêter à Guingamp.
Fernandez explique vouloir le garder. Interloqué, le Président lui dit : « il est en panne». « Normal, les champions ont des pannes », répond Fernandez. « Oui, mais c’est une grande panne » s’inquiète Denisot. Fernandez réplique : « Les grands champions ont des grandes pannes. On fait un deal. Tu me le laisses et tu ne dis rien pendant six matchs. Il va jouer de mieux en mieux sauf si on attend un miracle immédiat. » Il demande alors à Weah de se remettre en cadence, sans chercher à lui prouver quoi que ce soit. Après un match décevant, Fernandez le félicite « d’avoir sans entraînement, tenu quatre-vingt-dix minutes ». A la rencontre suivante, Weah fait une belle action. Le coach l’encourage : « Tu m’as donné un très grand plaisir. » En fin de saison, Weah réalise un geste technique de retournée devant le but, moment d’anthologie. Il reçoit le soulier d’or. Champion de France l’année suivante avec ce même club, il est transféré au Milan AC et en 1995, il devient le meilleur buteur de la C1 et se voit remettre le quarantième ballon d’or…
Un individu peut ainsi passer d’un banc de touche, éteint, au pinacle mondial sans que personne ne soit surpris. Qui est Weah ? Un génie ou un médiocre ? Les deux à la fois. Tout dépend de son manager. Il est bon quand le coach l’aime, mauvais quand il ne l’aime pas. Il faut aimer les gens que l’on manage, les aimer pour ce qu’ils sont dans leur être, non pas uniquement pour ce qu’ils produisent. Un bon manager a capacité à voir chez l’individu le positif, à ne parler que du positif sans se permettre de porter un jugement sur ce qui est négatif. Le célèbre académicien Jean Guéhenno accrédite ainsi cette idée : « Qui croit à l’intelligence des autres la provoque et la fait naître, qui en doute et s’en défie la rend timide jusqu’à la détruire. » 20 ans après avoir reçu le ballon d’or, Georges Weah a conquis la présidence du Liberia. Nul doute que le jour de son élection, le 26 décembre 2017, il s’est souvenu de Luis Fernandez, le coach qui a cru en lui et qui l’a installé sur une trajectoire gagnante lui autorisant les plus grandes et les plus belles ambitions.
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